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Coaching d’équipe et facilitation : un coach est-il un facilitateur, ou bien la facilitation peut-elle être une des ressources du coaching ?

« Un groupe de passagers dans un bus n’est pas une équipe. Elle peut le devenir si le bus tombe en panne. »

Jean-Paul Sartre

Maïeutique et facilitation

Un coach est-il (nécessairement) un facilitateur ou bien la facilitation peut-elle être une des ressources (optionnelles) mobilisables en coaching ?

Je pencherai, personnellement, pour la deuxième proposition et tenterai, dans cet article, de le démontrer le plus clairement possible.

En effet, bien que l’on insiste souvent aujourd’hui sur la dimension maïeutique (telle qu’on la concevait chez Socrate) qui serait ainsi prêtée au coaching, comme une forme de « travail » de type facilitation-accouchement ; je crois pour ma part que l’une ne peut être comparée à l’autre, et ce pour plusieurs raisons :

  1. La Maïeutique socratique, ou « art de l’accouchement », s’appuyait sur une théorie dite de la « réminiscence » dans le but de « faire ressurgir des vies antérieures les connaissances oubliées. »(1) La dimension spirituelle et religieuse (Orphisme), était donc très présente dans ce type d’approche,  s’appuyant fortement sur les croyances et les représentations sociales d’une époque ainsi que sur ces principaux représentants (Exemple : l’immortalité de l’âme et l’existence de réalités intelligibles chez Platon).
  2. La théorie platonicienne de la réminiscence, se distingue, par ailleurs, de la facilitation par le fait que celle-ci était mobilisée principalement dans un but très précis : détrôner le sophisme en acte, prendre par défaut un argumentaire insensé ou fallacieux sur la base d’une batterie de questions amenant l’imposteur face à son ignorance, ou bien encore la duperie de sa prétendue vérité. Celui qui n’a pas su ne peut se souvenir, et ne peut donc savoir aujourd’hui ce qu’il aurait su hier. En ce sens, Socrate utilisait l’ironie pour amener progressivement ses interlocuteurs à comprendre que ce qu’ils pensaient être des savoirs, étaient en réalité des croyances.
  3. La théorie de la réminiscence peut, par certains aspects, se rapprocher davantage de la psychanalyse que de la facilitation de par l’action : « (re)faire se souvenir ». En ce sens, elle pouvait également être utilisée à des fins de connaissance de soi et d’équilibre (dans le contexte historique et social des IIIe  et IVe siècles av. J.-C, « équilibre » me semble être plus juste que « développement ») personnel.
  4. L’enjeu central de la Maïeutique socratique, contrairement aux attentes de la facilitation, résidait enfin dans le statut du savoir et la recherche de la vérité mise à l’épreuve dans le cadre d’une intersubjectivité.

Facilitation et coaching

Pourquoi un coach n’est pas nécessairement un facilitateur ?

La première raison, qui peut à elle seule se suffire, concerne le statut actuel du coaching en tant qu’activité professionnelle. Comme je le soulignai dans un précédent article, Pourquoi tant de coachs ? (2), publié en 2015 sur Réseau Coaching, la question du statut du coaching et l’image du coaching auprès du grand public et des médias continuent de poser problème et ce sur divers points :

  1. La perception-réception du coaching auprès du grand public et la demande médiatique,
  2. L’étonnante désinvolture avec laquelle certains professionnels, ou professions, continuent de faire usage du terme « coach » sans être pour le moins du monde diplômé ou certifié en la matière ; ce qui est une imposture.

D’autre part, et bien que certaines définitions et conceptions du coaching soient aujourd’hui communes, ou partagent un nombre non négligeable de valeurs, rien n’empêche actuellement un professionnel diplômé ou certifié (ou les deux), en coaching, de se prévaloir des spécificités de son enseignement (ce qui semble relever du bon sens) et de la conception du coaching pour lequel celui-ci a été évalué, supervisé, et diplômé ou certifié.

Difficile donc de dire que le coaching est ceci et pas cela, alors même que le « cela », pour un coach, sera le « ceci » pour un autre, et qu’une partie du grand public pensera en fait qu’il est le « ceca » ou bien encore le « celi ».

Je vous invite donc à lire mon article, précédemment cité, si vous souhaitez vous faire une idée un peu plus précise de mon approche du coaching et me tourne à présent vers la facilitation. Facilitation que j’aborderai sous l’angle que je connais le mieux : la facilitation intégrée à une situation de coaching de groupe ou d’équipe.

Facilitation et coaching d’équipe

Avant tout, prenons quelques instants pour revisiter la notion de facilitation qui a fait son apparition dans le champ social au XIXe siècle, et voyons en quoi le coaching d’équipe peut être concerné par ce type d’action.

Voici une définition plausible de la facilitation sociale : « La facilitation sociale est un phénomène social selon lequel la présence d’autrui, en situation d’audience ou de co-action, a un effet bénéfique sur les performances d’un individu. » (3)

L’idée est donc que la présence d’un tiers, dans certaines dispositions, permettrait à une équipe, ou un groupe, d’être plus performant. En effet, « dans certaines dispositions », un coach peut alors être un facilitateur alors qu’à d’autres moments de son intervention il pourra, tour à tour :

  • Etre dans un écoute profonde et non active en recherche de sens et de compréhension, ce qui semble être la posture native du coach.
  • Apporter du contenu pédagogique afin d’illustrer un point théorique ou bien créer des liens logiques (postures du formateur, de l’expert),
  • Faire faire des exercices pratiques (posture de l’animateur, du trainer, du coach sportif),
  • Donner une consigne ou un conseil (postures du conseillé, du consultant, du médiateur),
  • , etc…

Quelles sont donc alors les dispositions qui font qu’un coach peut être un facilitateur et faire, par là même, travailler, évoluer, ou bien encore co-animer un groupe ou une équipe ?

J’en recenserai ici sept, qui me paraissent fondamentales :

  1. Etre pleinement conscient de la possibilité d’ « effet dynamogène » de la présence d’une personne face à un groupe ou une équipe,
  2. Connaître la « théorie du Drive »,
  3. Connaître les « méthodes agiles », (5)
  4. Connaître les principaux mécanismes de la psychologie de groupe (6), (7): dépendance, contre-dépendance, interdépendance, autonomie, inclusion, influence, ouverture, lutte, couplage, affirmation de soi, coopération, etc., etc…
  5. Connaître différentes techniques corporelles, théâtrales, de groupes, comme par exemple l’improvisation théâtrale, les arts martiaux ou bien encore différentes formes de danse et d’expression corporelle (8),
  6. Etre très au clair avec son intention de départ,
  7. Etre très à l’écoute de soi-même, du niveau d’énergie ambiant, de son (ses) partenaire(s), des coéquipiers, du groupe, de l’équipe.

Coaching d’équipe et facilitation

Ici aussi, et avant tout, quelques précautions d’usage sur l’utilisation des termes et le voisinage des pratiques, lorsqu’il s’agit de coaching d’équipe et facilitation.

Premièrement, on distingue le coaching d’équipe du coaching de groupe essentiellement par la structure (forme) de départ et la finalité recherchée : le tableau comparatif, ci-dessous, tiré du livre Coaching d’équipe, de Michel Giffard et Michel Moral, reprend l’essentiel des différences (9).

D’autre part, il est important de comprendre que l’on peut parfois difficilement faire la différence (dans la pratique) entre un coaching d’équipe, une action de Team-building et une action de formation-facilitation, tant les frontières entre pratiques peuvent parfois se resserrer sur le terrain. C’est donc bien à l’intervenant d’être le garant du dispositif-cadre qu’il met en place, et du champ d’application de son intervention.

Le second tableau  (ci-dessous) toujours tiré du livre Coaching d’équipe, précédemment cité, montre une fois de plus à titre indicatif les différences qu’il est convenu de prendre à compte.

Rappelons aussi que le coaching d’équipe se différencie fondamentalement du Team-building, principalement par le fait que son action ne se limite pas à la simple recherche de cohésion entre coéquipiers.

Une action de coaching d’équipe pourra ainsi être proposée lorsqu’il s’agit de demandes complexes et variées :

  • Le développement de la performance opérationnelle d’une équipe,
  • Le développement de la croissance d’une équipe : plus de maturité, plus de connaissances de soi et des autres, plus d’agilité et de rapidité dans le travail en commun,
  • Le développement de la capacité de résolution interne des conflits et des tensions relationnels,
  • Le développement du leadership et de l’agilité,
  • , etc…

C’est sur ce dernier thème, celui de l’agilité, qu’une action de facilitation peut trouver sa place dans le cadre d’un coaching ou d’une formation d’équipes en entreprise.

Le facilitateur est généralement dans une disposition de type « posture haute » : c’est-à-dire qu’il intervient, à la différence d’un coach d’équipe qui va plutôt privilégier une « posture basse », volontairement en produisant un effort de présence et d’animation (souffle vital) pour « aller chercher » ses interlocuteurs.

Faciliter un travail, c’est être pleinement acteur dans le fait d’agir sur les conditions qui favoriseront le bon déroulement du processus de travail en cours.

Le facilitateur doit donc être conscient, vigilent, vis-à-vis de son propre « effet dynamogène », ce dernier étant le « principal outil » de facilitation.

L’effet dynamogène et, plus largement, l’attitude et la présence du facilitateur vont provoquer, selon l’approche de Robert Zajonc (10), une « réponse dominante » (théorie du Drive) chez les coéquipiers.

C’est-à-dire, une affirmation de soi par l’acte même de participation individuelle et collective ; ou bien un repli sur soi accompagné d’un refus de participation (ne pas jouer le jeu).

En fonction de ce qui est demandé, de l’attitude et de la présence du facilitateur, et du niveau de complexité ou de difficulté de la situation, la réponse dominante se traduira de deux manières :

  1. L’acceptation du jeu de facilitation comme réponse dominante positive,
  2. Le refus du jeu de facilitation comme réponse dominante négative, marquée par l’inhibition de l’action et les jugements non exprimés (intériorisés et souvent expéditifs).

Si, par bonheur, le facilitateur est également coach, son travail consistera alors à accompagner les difficultés (inhibitions, oppositions, non coopération) en cours, sans pour autant trop s’éloigner de sa posture haute de facilitateur-animateur.

C’est, en effet, bien à ce niveau-là, en prise avec les difficultés de la psychologie et de la dynamique des groupes, que ce jouera le succès ou l’insuccès d’une action de facilitation ou de coaching d’équipes.

Il est donc extrêmement important d’être préparé à ce type d’intervention, être fermement ancré dans son intention de travail  vis-à-vis du groupe (volonté dirigée vers la réalisation d’un objectif de travail), avoir une écoute pleine et profonde de son propre ressenti pendant le travail ; mais aussi écoute de son partenaire d’intervention (si il y a), des participants et de la tonalité groupale.

De telle manière que l’agilité qui est demandée aux autres doit tout autant être présente chez le facilitateur, comme ressource motrice dans l’accomplissement de son travail ; mais aussi, comme miroir réfléchissant : le genre de miroir qui, à l’inverse du je(u) narcissique, ouvre les possibilités d’une réelle « réflexion », in-situ, individuelle tout autant que collective, en mouvement, et en perpétuel renouvellement.

Bibliographie et articles recommandés

  1. https://fr.wikipedia.org/wiki/Maïeutique_(philosophie)
  2. http://reseaucoaching.com/2015/03/pourquoi-tant-de-coachs/
  3. https://fr.wikipedia.org/wiki/Facilitation_sociale
  4. — lien expiré
  5. Le leadership agile, Antonin Gaunand, Editions Eyrolles, Paris, 2017
  6. Recherches sur les petits groupes, Wilfred Ruprecht Bion, PUF, Bibliothèque de psychanalyse, Paris, 2009
  7. Approche groupale de la formation, Collectif, Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n°39, Editions Erès, Paris, 2003
  8. Impro, Improvisation & théâtre, Keith Jonhstone, Editions Ipanema, Collection Beaux-Livres, Paris, 2013
  9. Coaching d’équipe, Outils et pratiques, Michel Giffard, Michel Moral, Editions Armand Colin, Paris, 2010
  10. https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Zajonc

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